Première nation

…Il est important de reconnaître dans l’histoire que les Premières Nations formaient à une autre époque un peuple à part entière possédant son indépendance, son territoire, son mode de gouvernance, son activité commerciale, sa culture,�ses traditions et sa spiritualité…
Quelles sont les solutions aux problèmes sociaux que de nombreux peuples autochtones doivent aujourd’hui surmonter en raison de leur traumatisme intergénérationnel ?
Plusieurs solutions viendront d’un nouvel examen des traités. Plutôt que de les maintenir cachés sous un voile de honte, nous devrions reconnaître et célébrer avec fierté leur existence en mettant l’accent sur leur intention d’origine, qui était d’établir un accord entre les peuples garantissant un partage pacifique du territoire en échange d’une protection contre la faim, la maladie et la perte de pertinence culturelle.
Élément inhérent à la reconnaissance�de l’intention des traités, qui se voulaient des accords entre deux peuples, reconnaître la valeur des Premières Nations contribuera à réduire la pression sociale vers l’assimilation. Si vous accordez de la valeur à une personne, vous ne sentirez�pas le besoin de l’assimiler.
Les peuples autochtones ont toujours résisté à leur intégration dans la société en général par une assimilation forcée. À ce propos, le chef amérindien Sitting Bull a un jour prononcé les paroles célèbres suivantes : « Si le Grand Esprit avait voulu que je sois un homme blanc, il m’aurait fait ainsi dès le départ. »
Par ailleurs, les Premières Nations ne devraient pas être écartées de l’histoire sous prétexte qu’il ne s’agissait que de peuplades de l’âge de pierre ne possédant pas la roue, comme le soutiennent non sans dérision les �Conrad Black de ce pays.
En fait, le Canada est couvert d’une multitude de rivières et de lacs qui, en été, étaient sillonnés par des canots d’écorce de bouleau légers et efficaces, fabriqués par les peuples autochtones et par les explorateurs après l’arrivée des Européens. En hiver, les raquettes et le toboggan étaient les seuls moyens de transport permettant de se déplacer sur l’épaisse couche de neige qui enveloppait notre territoire pendant la majeure partie de l’année. La roue n’était en vérité d’aucune utilité durant cette période de l’histoire.
Valoriser les Premières Nations signifie également que nous devons les aider.
Seulement une poignée de réserves, qui ont eu la chance d’être établies tout près des principaux centres économiques, ont atteint un niveau de vie équivalent à celui du reste de la société canadienne. Le Canada doit s’intéresser à toutes les Shamattawa et Attawapiskat du pays qui sont rongées par les vagues de suicides, la toxicomanie et l’alcoolisme, entre autres problèmes.
Des relocalisations forcées ne sont évidemment pas une option, mais valoriser les gens en leur donnant les moyens, s’ils le souhaitent, de déménager avec une aide gouvernementale devrait être une possibilité offerte.
Il faut négocier l’établissement de corridors économiques reliant ces communautés isolées avec les centres régionaux les plus près, car l’accès à des emplois est essentiel pour donner un sens à la vie. Il est impératif que tout nouveau projet d’exploitation des ressources prévoie qu’une part de la propriété revienne aux communautés de la région concernée. Par-dessus tout, les droits issus de traités doivent être transférables et ne plus servir à restreindre les membres des Premières Nations en les confinant dans les limites de leurs réserves désignées.
Il ne s’agit là que d’un point de départ.�Il est important de reconnaître�dans l’histoire que les Premières Nations formaient à une autre époque un peuple à part entière possédant son indépendance, son territoire, son mode de gouvernance, son activité commerciale, sa culture,�ses traditions et sa spiritualité.
Plutôt que de nous concentrer sur les conséquences déplorables des traités, nous devons reconnaître et mettre en application leur intention d’origine, ce qui contribuera grandement à rétablir la fierté, le respect et la dignité des peuples autochtones, et permettra en même temps de réconcilier avec elle-même la conscience divisée des Canadiens en leur donnant la possibilité d’éprouver de manière réaliste de la fierté à l’égard de leur identité nationale. Une telle démarche aiderait également les peuples autochtones à prendre la place qui leur revient de plein droit en tant que l’un des pôles essentiels du socle triangulaire de l’identité canadienne.
Ensemble, nous pouvons sortir les peuples autochtones de l’ombre afin qu’ils cessent d’être les « fantômes de l’histoire » et qu’ils puissent enfin prendre la place qui leur revient en tant que citoyens à part entière du Canada.
*Ce texte reprend le contenu d’une allocution prononcée par Len Flett à l’occasion d’une conférence sur le traumatisme autochtone et la guérison tenue à Calgary.
Leonard G. Flett est auteur de l’ouvrage From the Barren Lands et membre de la Première Nation de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug (Big Trout Lake, Ontario). Il a été vice-président de la Compagnie du Nord-Ouest, président d’IndSpire et est membre de l’Ordre du Canada et de l’Ordre du Manitoba.
Nicole Letourneau est auteure de l’ouvrage Scientific Parenting et professeure au Centre Owerko de l’Université de Calgary, qui se consacre à la recherche sur le neurodéveloppement des enfants. Tous deux sont experts-conseils à EvidenceNetwork.ca.

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